La loi contre le racisme et la xénophobie ou Loi antiracisme

Introduction

La loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie est la première loi belge ayant eu pour objectif de s’attaquer à la question du racisme en Belgique. Elle est souvent désignée sous les termes « loi antiracisme » ou encore « loi Moureaux » du nom du socialiste Philippe Moureaux qui l’a proposée. Cette loi vise à combattre les discriminations, les discours de haine à caractère raciste ainsi que les infractions qui peuvent en découler.

Cette loi et les deux lois du 10 mai 2007 : celle tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes ainsi que celle tendant à lutter contre certaines formes de discrimination constituent l’arsenal juridique, au niveau fédéral, en matière de lutte contre les discriminations en Belgique.

Loi antiracisme et prise en compte de la question du racisme en Belgique

La loi antiracisme interdit toute discrimination fondée sur la nationalité, une prétendue race, la couleur de la peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. Ces éléments constituent ce que la loi qualifie de « critères protégés ». Lorsqu’une situation de discrimination se présente, seule la violation de ces critères peut valoir condamnation sur base de cette loi et donc être qualifiée de situation ou comportement raciste selon la loi.

Du fait de l’importance de la lutte contre le racisme au niveau international et national, le législateur fédéral n’est pas le seul habilité à légiférer à ce sujet. Les entités fédérées (les régions et les communautés) peuvent également prendre des décrets ou des ordonnances sur la question du racisme dans le respect de leurs pouvoirs respectifs. Par exemple, les communautés, compétentes en matière d’enseignement, peuvent prendre des mesures sur la question du racisme au sein des écoles. Voici une liste non-exhaustive des décrets ou ordonnances prises en matière de lutte contre le racisme :

Il faut noter que ni la loi, ni les décrets et ni les ordonnances donnent une définition des critères protégés. Cela a pour conséquence que même si ces différents instruments énoncent les mêmes critères protégés, la définition de l’un ne vaut pas nécessairement pour l’autre.

Champ d’application

Les dispositions de la loi s’appliquent dans le cadre des relations de travail et la fourniture de biens et de services mises à la disposition du public que ce soit dans le secteur public (par exemple, un service communal) ou le secteur privé (par exemple, une assurance). La loi ne s’applique donc pas dans les rapports privés ou intrafamiliaux.

Cette loi comporte un volet civil et un volet pénal [1]. Cela signifie que la loi définit les discriminations et les moyens à mobiliser en cas de traitement défavorable sur base des critères protégés, en ce compris les règles procédurales, d’un côté, et détermine les infractions qui peuvent découler de ces discriminations, de l’autre côté.

La loi reconnait quatre formes de discrimination :

La discrimination directe

La loi vise la situation qui se produit lorsque, sur la base de l’un des critères protégés, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre personne ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable.

Par exemple, refuser à une personne d’accéder à une boîte de nuit en raison de sa couleur de peau.

La discrimination indirecte

La situation qui se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner, par rapport à d’autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l’un des critères protégés.

L’injonction de discriminer

Ce terme vise tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination, sur la base de l’un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.

Par exemple, une personne souhaitant mettre à la location son appartement demande explicitement à l’agence immobilière de lui proposer exclusivement des candidats d’origine Belge.

Le harcèlement

Le harcèlement désigne un comportement indésirable qui est lié à l’un des critères protégés, et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité de la personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Par exemple, un de vos collègues au travail ne cesse de faire des remarques offensantes et dégradantes sur les personnes d’une certaine origine.

Justification d’une discrimination : conditions

La loi reconnait la possibilité d’instaurer une distinction mais celle-ci doit respecter certaines conditions. En effet, dans un cas d’une distinction directe fondée sur une prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, elle doit être justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Cela signifie qu’une distinction fondée sur un des critères protégés (cités ci-dessus) doit impérativement résulter de la nature de l’activité ou les conditions de son exercice. Il faut également que cette distinction obéisse à un objectif légitime et qu’elle soit proportionnée par rapport à cet objectif. Cette distinction est autorisée uniquement dans le domaine des relations de travail.

Dans le cadre d’une distinction indirecte, la disposition, le critère ou la pratique apparemment neutre qui est au fondement de cette distinction sera justifié pour autant qu’il poursuive un objectif légitime et que les moyens utilisés soient proportionnés et nécessaires. En d’autres termes, il faut que cette distinction indirecte soit le seul moyen pour atteindre l’objectif de la loi.

La pertinence de cette justification est analysée au cas par cas par le juge.

Dispositions de protection

La loi instaure un système de protection contre les représailles. En effet, il peut arriver que lorsqu’une personne dénonce aux autorités compétentes la discrimination dont elle a fait l’objet ou dont elle a été le témoin, l’auteur de la discrimination décide d’user de son pouvoir pour écarter ou rendre l’existence difficile à cette personne. La loi prévoit donc une protection pour la (les) victime(s) et le(s) témoin(s) dès qu’une plainte a été introduite par la victime ou le témoin.

Par exemple, votre employeur a tenu des propos racistes à plusieurs reprises et se permet de vous traiter défavorablement du fait de votre origine et s’en cache peu. Vous décidez de dénoncer son comportement et vous portez plainte. Ce dernier l’apprend et décide, à son tour, de vous licencier. Sachez que votre employeur peut se voir condamner à vous verser six mois de salaire si le lien entre la connaissance de la plainte et le licenciement est retenu par le juge.

La victime de discrimination peut également introduire une action en cessation. Comme son nom l’indique, cette action a pour objectif d’interpeller l’auteur de la discrimination et exiger de sa part qu’il fasse cesser la discrimination. La victime peut prétendre à une indemnité forfaitaire et le juge peut ordonner d’afficher sa décision de cessation dans les lieux où la discrimination a eu lieu ou les locaux qui appartiennent à l’auteur. Il peut également ordonner la diffusion de son jugement dans la presse. La victime ou les personnes habilitées par la loi pour représenter la victime en justice peuvent introduire cette action en cessation. Il faut entendre par là, les structures qui réunissent certaines conditions, comme UNIA, le ministère public ou encore l’auditorat du travail.

Charge de la preuve

Dans le cadre d’une procédure civile, la charge de la preuve en matière de discrimination est renversée. Il revient à l’auteur présumé de la discrimination de démontrer qu’il n’y a pas eu de discrimination de sa part. Toutefois, la victime n’est pas exempte d’apporter la démonstration du comportement raciste. En effet, elle doit apporter des preuves de discrimination pour étayer ses dires : des écrits, des témoignages, des précédents signalements pour discrimination à l’égard de l’auteur, etc. D’ailleurs, c’est parce que la personne victime apporte des éléments concrets qui permettent de supputer une discrimination raciste que l’auteur présumé doit prouver qu’il ne s’est pas rendu fautif d’un acte raciste.

Dispositions pénales

Comme dit plus haut, la loi antiracisme comporte également un volet pénal. Cette partie fixe les différentes infractions qui découlent de certains comportements jugés inacceptables par le législateur.

Il faut noter que les décrets et les ordonnances relatifs à la question du racisme prévoient également des dispositions pénales.

Parmi les infractions que nous pouvons retrouver dans la loi antiracisme, nous pouvons, par exemple, citer les suivantes :

  • L’incitation à la haine, la discrimination, la violence ou la ségrégation d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de leurs membres;
  • La diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale ;
  • Le fait de faire partie d’un groupement ou d’une association qui, de manière manifeste et répétée, prône la discrimination ou la ségrégation fondée sur l’un des critères protégés ;
  • Le fait de nier, minimiser grossièrement, chercher à justifier ou approuver des faits correspondant à un crime de génocide, à un crime contre l’humanité ou à un crime de guerre
  • Le fait de ne pas se conformer au jugement de la demande de cessation.

Organismes compétents pour introduire une action en justice

Si vous êtes victimes de racisme, vous pouvez signaler la discrimination dont vous faites l’objet auprès d’un organisme habilité par loi, tel qu’UNIA, votre syndicat ou tout autre organisme qui réunit certaines conditions. Selon ses compétences, cette structure vous aidera à préparer votre dossier : porter plainte, prendre part à une médiation ou agir en justice.

Renforcement de la loi antiracisme

Une évolution de la loi est envisagée au niveau fédéral. En effet, l’avant-projet de loi de la secrétaire d’État à l’égalité des genres, l’égalité des chances et la Diversité, Sarah Schiltz, a été approuvé par le Conseil des ministres en décembre 2022. Cet avant-projet [2] de loi vise à renforcer les lois en matière de discriminations et de racisme en tentant de mieux tenir compte des manifestations des actes discriminatoires. Concernant la loi antiracisme, nous pouvons énoncer les modifications suivantes :

  • L’introduction des nouvelles formes de discrimination : les discriminations multiples, la discrimination par association et la discrimination fondée sur un critère supposé ;
  • Le renforcement des sanctions civiles : l’obligation pour le juge d’accorder des dommages et intérêts lorsque la victime le réclame et que l’existence de la discrimination a été établie, l’augmentation des montants des dommages et intérêts et l’instauration d’une indexation de ceux-ci ;
  • La réforme du Code pénal avec la prise en compte systématique du motif discriminatoire.

De plus, le gouvernement bruxellois a approuvé l’avant-projet d’ordonnance [3] de la secrétaire d’État à l’Égalité des chances, Nawel Ben Hamou, créant le Conseil consultatif pour l’élimination du racisme à Bruxelles. Cette nouvelle structure sera installée au sein de l’organe de concertation sociale Brupartners. Elle aura pour missions d’émettre des avis et des recommandations sur toute question relative à la lutte contre le racisme dans la région bruxelloise sur demande du gouvernement ou d’initiative. Petite innovation, elle réunira pour la première fois dans un organe public des associations antiracistes, des expert-e-s académiques, des partenaires sociaux, UNIA ainsi que des représentant-e-s du Conseil bruxellois pour l’Égalité entre les femmes et les hommes et celui des personnes en situation d’handicap.

Ce Conseil était cencé commencer ses travaux au plus tard pour le 1er janvier 2024.

[1] Le droit civil encadre les rapports entre les individus et règle les conflits qui naissent entre les particuliers. Ce droit comprend plusieurs branches telles que le droit de la famille, le droit économique, le droit des biens, des successions ou encore le droit des obligations.

Le droit pénal est le droit de la répression. En effet, ce droit rappelle à celui qui y contrevient que la loi a identifié des comportements qu’elle juge inacceptables dans la société. Ce droit a donc pour objectif de faire respecter l’ordre public et, de ce fait, protéger la société dans son ensemble.

En d’autres termes, en matière civile, le juge arbitre un litige qui oppose des personnes privées alors qu’en matière pénale, l’Etat, partie au procès, est présent pour défendre des valeurs et des comportements jugés essentiels par la loi au bon fonctionnement de la société.

[2] https://sarahschlitz.be/la-lutte-contre-les-discriminations-se-renforce-avec-lamelioration-des-3-lois-concernees/ ; un avant-projet de loi est un texte soumis par un membre du gouvernement fédéral à l’approbation du Conseil des ministres. Si le Conseil approuve ce texte, il le dépose à la Chambre des représentants en vue de l’éventuelle adoption d’une loi.

[3] Un avant-projet d’ordonnance est un texte soumis par un membre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale à l’approbation du Conseil des ministres. Si le Conseil approuve ce texte, il le dépose au parlement bruxellois en vue de l’éventuelle adoption d’une loi.

Voir aussi :

MAJ 2024