Si vous êtes contrôlé par la police, fouillé, arrêté, perquisitionné, il est important que vous connaissiez vos droits. Comprendre quels sont vos droits mais aussi ceux de la police et leurs limites est essentiel pour éviter les malentendus ou constater les éventuels abus.
La Ligue des humains (LDH), percevant qu’il existe des abus dans les actions policières, a créé un site permettant aux victimes de violences policières ou aux policiers témoins de raconter anonymement leur histoire : https://policewatch.be
La LDH entend en effet avoir une vision globale et réelle des abus de l’autorité policière et souhaite ainsi faire évoluer les politiques publiques.
Le contrôle d’identité
Le contrôle d’identité sert à vérifier l’état civil d’une personne c’est-à-dire ses nom(s), prénom(s) et adresse. Les policiers peuvent obliger quelqu’un à donner sa carte d’identité si la personne a plus de 15 ans. Si vous avez moins de 15 ans, vous n’êtes pas obligé d’avoir votre carte d’identité sur vous.
Seul un policier en civil (s’il a justifié son statut) ou en uniforme peut contrôler l’identité d’une personne (donc pas un gardien privé ou un vigile).
Il ne peut pas le faire sans motif raisonnable (par exemple : la personne a commis ou a tenté de commettre une infraction, a troublé l’ordre public, a un comportement suspect, est recherchée). Il y a alors obligation de présenter sa carte d’identité. Le contrôle de « routine » souvent mis en avant par les policiers n’est pas une justification suffisante. Cependant, les policiers ne sont pas obligés d’expliquer les raisons pour lesquelles ils contrôlent quelqu’un.
Il est même possible de se faire contrôler plusieurs fois par jour.
Une fois la vérification de l’identité terminée, les fonctionnaires de police doivent remettre immédiatement la carte d’identité à son propriétaire.
La fouille
La police peut vous fouiller dans certains cas mais vous pouvez aussi être fouillé superficiellement par d’autres personnes qualifiées pour le faire : des gardiens de sécurité qui donnent accès à un lieu, des gardiens à la sortie d’un magasin, des agents de sécurité d’une société de transport, des douaniers, des fonctionnaires compétents avant que vous preniez l’avion, des agents de sécurité de l’Office des étrangers.
Les policiers ne sont pas obligés de vous expliquer les raisons précises de la fouille. Plusieurs types de fouilles existent :
- La fouille de sécurité : palpation du corps, des vêtements, des bagages. Elle peut se faire suite à un contrôle d’identité, à une arrestation, s’il y a menace pour l’ordre public ou pour vérifier que la personne n’a pas d’arme ou d’objet dangereux. Elle doit, en principe, être effectuée par une personne du même sexe. Elle peut durer au maximum une heure. Les policiers ne peuvent pas vous demander de vider vos poches ou votre sac.
- La fouille à corps : avant la mise en cellule au commissariat, cette fouille peut avoir lieu si vous êtes soupçonné d’avoir commis une infraction, si la police pense que vous avez sur vous des pièces à conviction ou des preuves d’un crime ou d’un délit. Elle doit se faire dans un lieu discret et peut aller jusqu’au déshabillage complet.
- L’exploration corporelle : doit être faite obligatoirement par un médecin sur mandat de justice.
- La fouille judiciaire : elle se différencie des autres fouilles par son caractère judiciaire. Cela signifie qu’elle s’effectue quand une infraction a été constatée ou qu’il y a présomption suffisante d’infraction ou si vous faites l’objet d’une arrestation judiciaire. C’est la recherche de preuves relatives aux infractions. La police ne peut vous fouiller à corps ou effectuer une fouille judiciaire que si elle a des indices sérieux (par exemple, si on a trouvé de la drogue sur vous). Elle peut durer au maximum six heures, le temps maximal pour organiser la fouille, vous amener au commissariat. Les policiers peuvent vous demander de vider vos poches. Si vous refusez, ils insisteront et utiliseront éventuellement la force.
En principe, la police ne peut fouiller au hasard toutes les personnes qui descendent d’un train ou d’un avion, pour rechercher de la drogue par exemple. Pour cela, ils doivent avoir avant la fouille des indices sérieux. Ce type de fouille pourrait donc être abusif mais certains juges se montrent tolérants avec ce type de méthode.
La fouille d’un véhicule peut se faire :
- Sur mandat du juge d’instruction ;
- Sans mandat, lorsqu’un véhicule est sur la voie publique ou en stationnement, dans un lieu public ou accessible au public et que les policiers recherchent des objets dangereux et soupçonnent une infraction à la loi. Rien n’oblige les policiers à vous donner les raisons précises de cette fouille.
Test ADN, d’urine et radiographie
Des tests ADN peuvent être faits dans le cadre d’une enquête judiciaire sans votre accord. Si vous êtes soupçonné d’avoir commis un crime, un juge d’instruction peut demander aux policiers de vous prendre un échantillon d’ADN. Il peut le demander même si vous n’êtes pas réellement suspect mais avez un lien avec son enquête.
En ce qui concerne les tests d’urine, rien n’est très clair. Les policiers peuvent vous demander d’uriner pour vérifier si vous avez consommé de la drogue ou dans le cadre d’un contrôle anti-dopage mais vous pouvez refuser.
Pour les radiographies, rien n’interdit aux policiers de vous conduire à l’hôpital pour y passer une radio mais vous avez le droit de refuser.
La convocation
Vous pouvez être convoqué par la police pour de nombreuses raisons plus ou moins graves. Il ne doit pas être précisé dans la convocation que vous serez entendu comme témoin, plaignant, suspect. Les raisons de la convocation ne doivent pas être précisées. Cependant, parfois, la convocation contient différentes informations (les faits sur lesquels les policiers veulent vous entendre, le fait que vous ne pouvez être obligé de vous accuser vous-même, etc.).
L’interrogatoire
La police fédérale peut convoquer quelqu’un pour interrogatoire. Il n’y a pas de durée maximale, fixée pour les interrogatoires. Cependant les procès-verbaux doivent mentionner les heures de début et de fin d’interrogatoire.
Chacun a le droit de relire le procès-verbal et d’y faire apporter des modifications.
La loi ne prévoit pas de durée maximale pour l’interrogatoire. La seule obligation est de vous présenter à un juge dans les 48 heures de votre arrestation.
Si vous n’êtes pas en état d’arrestation, vous pouvez quitter le commissariat même pendant l’interrogatoire.
Depuis le 1er janvier 2012, une personne entendue par la police a des droits complémentaires grâce à la loi du 13 août 2011 dite « Loi Salduz » :
- La personne a le droit avant la première audition de discuter avec un avocat de son choix. Si vous êtes majeur, vous pouvez renoncer à la présence d’un avocat. Les mineurs ne peuvent renoncer à ce droit, ils doivent avoir un avocat. En ce qui concerne le contact préalable à la première audition avec un avocat, les ordres des avocats (l’Ordre des Barreaux flamands (OVB) et l’Ordre des Barreaux francophones et germanophone (OBFG)) devront organiser une permanence pour qu’à tout moment (jour et nuit), les services de police et les juges d’instruction puissent faire appel à un avocat (soit choisi par la personne auditionnée soit via cette permanence).
Si vous êtes arrêté et souhaitez avoir un avocat, vous devez pouvoir le rencontrer dans les 48 heures. - La personne doit être informée avant l’audition qu’elle a le choix de faire une déclaration, de répondre ou de se taire.
Par contre, si vous êtes cité comme témoin, vous êtes obligé de répondre aux questions du juge. - La personne entendue a le droit d’avoir un interprète si elle est considérée comme suspect.
- La personne entendue doit être informée, au début de l’audition par la police, des faits sur lesquels elle sera entendue.
- La personne entendue a le droit d’avoir une copie du procès-verbal d’audition.
- La privation de liberté est de maximum 48 heures avant d’être présenté à un juge.
Vous pouvez refuser de signer le procès-verbal si les policiers refusent d’acter vos déclarations par exemple, ou si les heures de début et de fin de l’interrogatoire ne correspondent pas à la réalité.
L’arrestation administrative
L’arrestation administrative ne peut se faire qu’en cas d’absolue nécessité, s’il n’y a pas de moyens moins contraignants.
Elle peut être définie comme « une mesure de contrainte qui entraîne la privation provisoire, par un policier, de la liberté d’aller et venir à sa guise » et ce dans les cas et selon les modalités prévues par ou en vertu de la loi. Elle ne pourra être utilisée que pour maintenir ou rétablir l’ordre public ou pour maintenir la sécurité publique. La loi énumère les cas où un policier peut procéder à une arrestation administrative. Les forces de l’ordre doivent faire signer à la personne arrêtée un registre des arrestations qui mentionne l’heure et la durée de l’arrestation.
En aucun cas, une arrestation administrative ne peut dépasser 12 heures. Si vous êtes mineur, votre arrestation doit être aussi brève que possible.
La personne arrêtée peut demander à ce que quelqu’un de son entourage soit averti de son arrestation, le fonctionnaire de police peut refuser mais ce refus doit être motivé.
L’arrestation judiciaire
L’arrestation judiciaire suppose l’existence d’un flagrant délit ou d’une décision du procureur du Roi ou du juge d’instruction s’il y a des indices de culpabilité par rapport à un crime ou un délit.
Une personne soupçonnée d’un délit sera privée provisoirement de la liberté, d’aller et venir à sa guise, pour qu’elle soit présentée au magistrat compétent (procureur du Roi ou juge d’instruction). La procédure relative à l’arrestation judiciaire est fixée par la loi sur la détention préventive. L’arrestation judiciaire ne peut dépasser 48 heures (au total, avec le nombre d’heures d’arrestation administrative s’il y en a). Si vous êtes mineur, un juge de la jeunesse peut vous envoyer en centre fermé.
Au-delà, le juge d’instruction devra délivrer un mandat d’arrêt s’il y a de sérieux indices de culpabilité, l’arrestation se transforme alors en détention.
Après les 5 premiers jours de la délivrance du mandat d’arrêt, l’inculpé passe tous les mois devant la Chambre du Conseil qui peut décider de sa libération ou de son maintien en détention. L’inculpé peut faire appel de la décision.
Si la personne arrêtée demande à avertir quelqu’un de son entourage, le policier peut refuser s’il y a risque de fuites de complices, de destruction de preuves ou de déclenchement de nouvelles infractions.
Cependant, si un mineur est arrêté, le fonctionnaire de police doit, dans les meilleurs délais, avertir les parents ou le tuteur.
La perquisition
Il est inscrit dans la Constitution belge (article 15) que le domicile est un lieu inviolable, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y entrer de force.
Les policiers ne peuvent effectuer une perquisition que lorsque le juge d’instruction délivre un mandat de perquisition. La perquisition ne pourra pas se faire entre 21 heures et 5 heures du matin. Ce principe est énoncé dans l’article 1er de la Loi du 7 juin 1969 fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions ou visites domiciliaires (M.B. 28/06/1969).
Cependant, une perquisition sans mandat peut se faire à toute heure du jour et de la nuit dans les cas suivants :
• En matière de stupéfiants ;
• En cas de flagrant délit ;
• Suite à un appel arrivé du lieu en question ;
• En cas de sinistre : incendie ou inondation.
Si les policiers trouvent de la drogue sur vous suite à un contrôle dans la rue, ils peuvent perquisitionner votre domicile. Par ailleurs, s’ils pensent qu’il y a de la drogue chez vous : » Ils peuvent à toute heure, visiter les locaux qui servent à la fabrication, à la préparation, à la conservation ou à l’entreposage de ces substances. Ils sont investis des mêmes pouvoirs à l’égard des locaux où il est fait usage, en présence de mineurs d’âge, des substances visées (…) visiter, entre 5 heures du matin et 9 heures du soir, sans avertissement préalable, tous les lieux où les substances visées dans la présente loi sont vendues, délivrées à titre onéreux ou non, fabriquées, préparées, conservées ou entreposées, ou autres lieux soumis à leur contrôle même si ceux-ci ne sont pas accessibles au public. Toutefois, en dehors de ces heures, ils ne peuvent (visiter) les lieux visés à l’alinéa 1er, qu’avec l’autorisation préalable du président du tribunal de première instance » (article 90 de la loi programme 9 juillet 2004 apportant des modifications à la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques et des substances pouvant servir à la fabrication illicite de substances stupéfiantes et psychotropes).
Si vous avez moins de 18 ans, les policiers peuvent entrer dans votre chambre uniquement avec l’accord de vos parents.
Vous n’êtes pas obligé de laisser entrer l’agent de quartier, qui contrôle votre adresse, pour votre inscription à la commune. En pratique, ce sera difficile puisqu’il doit contrôler la réalité de votre résidence.
Quant à l’école, ce n’est pas un lieu public. Les policiers ne peuvent y entrer sans l’autorisation du chef d’établissement. Ce n’est pas pour cela que toutes les opérations effectuées dans l’école sont légales. Fouiller tous les élèves avec des chiens renifleurs et immobiliser les élèves pour vérifier qu’il n’y a pas de drogue dans l’école est illégal. Ils ne peuvent fouiller votre casier. Les fouilles ou les reniflages canins ne doivent donc jamais être générales. Si de telles opérations ont lieu, elles doivent être personnalisées et se baser sur des indices sérieux de culpabilité.
La notion de domicile peut être assez étendue. Un mandat de perquisition sera nécessaire ainsi que l’autorisation du propriétaire du lieu pour fouiller une chambre d’hôtel, une tente dans un camping, un gîte rural.
MAJ 2022