Drogues à l’école

7 Déc 2023 | Drogues | 0 commentaires

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De temps en temps, on voit dans la presse que des opérations policières de contrôle et de fouille de groupes d’élèves sont menées dans les écoles à la demande des directions.
Cela pose toute une série de questions au niveau des droits fondamentaux notamment sur le respect de la vie privée (Constitution belge à l’article 22 pour les majeurs et Convention internationale des droits de l’enfant, article 16 pour les mineurs). Nous essayons ici de faire un résumé des droits et devoirs de chacun.

En ce qui concerne les drogues, il est évidemment interdit d’en détenir ou d’en consommer à l’école tout comme le tabac ou l’alcool. De plus, la détention de cannabis à l’école, en présence de mineurs, est considérée comme une nuisance publique.

Le principe est qu’une direction d’une école doit autoriser la police à entrer dans l’école ou l’internat. Ce qui veut dire qu’en dehors des hypothèses prévues par la loi, le chef d’établissement peut refuser l’accès aux policiers.

Une école est un bâtiment privé, ce n’est pas un lieu public, l’école bénéfice donc de la protection attachée au domicile privé. Cette protection s’attache aux bâtiments occupés par les élèves et à leurs effets personnels.

Remarques :  Certaines parties d’un campus universitaire sont accessibles au public. Rien n’empêche alors la police d’y entrer.

La police ne peut donc entrer et faire des fouilles dans un établissement scolaire que dans des conditions très précises :

  • Sur réquisition ou avec l’accord des personnes (la direction) qui ont la jouissance des lieux.
    Attention : Même si l’autorisation du directeur est donnée aux policiers, cela ne veut pas dire que toutes les opérations qu’ils effectuent dans l’école sont légales.
    Par exemple, venir avec des chiens renifleurs et immobiliser tous les élèves pour vérifier qu’il n’y a pas de drogue dans l’école, ce n’est pas légal.

    De simples suspicions de détention ou trafic de drogues à l’intérieur de l’école ne peuvent jamais suffire à autoriser le reniflage et la fouille des élèves. Dans ce cas de figure, les policiers ne disposent d’aucune base légale pour procéder à des actes portant atteinte aux droits et libertés des élèves ou qui impliquent un acte de contrainte.

    Un Directeur peut par contre autoriser la police à entrer dans son école pour y dispenser une séance d’information relative aux drogues, il s’agit alors d’une action de prévention éducative. Le recours à d’autres acteurs que des policiers peut être toutefois privilégié eu égard au rôle répressif de ces derniers. Un Directeur d’école devrait également obtenir l’autorisation des parents avant de faire venir des policiers pour ce genre d’information.

Sans l’accord de la Direction, seules les hypothèses suivantes permettent à la police d’entrer dans une école :

  • Sur mandat du juge d’instruction. Les hypothèses de délivrance de mandat d’arrêt, d’amener ou de perquisition sont rares dans ce cadre. Dans le cas où la police détient un mandat de perquisition, la fouille ne peut concerner que la personne visée par ce mandat ;
  • Dans les cas de flagrant délit ;
  • S’il y a un danger grave et imminent ;
  • Si la police dispose d’indices sérieux que des majeurs font usage de drogues en présence de mineurs ou encore que l’école sert de lieu où des drogues y sont fabriquées ou entreposées. De simples suspicions ne suffisent pas : la police doit avoir des indices sérieux de culpabilité avant qu’elle entre dans l’école et envers des personnes individualisées.

Si une opération de police a lieu à l’école, le directeur de l’établissement doit veiller à ce que les droits des élèves soient respectés. Il doit informer les élèves de leur droit de se taire face à la police sur base de la présomption d’innocence, du droit de connaître les raisons de leur éventuelle arrestation. Toute décision à l’égard d’un élève mineur doit également être immédiatement portée à la connaissance des parents.

Si une fouille est effectuée, il s’agit ici d’une fouille judiciaire. On admet qu’un policier du même sexe que la personne fouillée l’oblige à se déshabiller complètement mais il lui est interdit de toucher la personne. Si une fouille corporelle doit être pratiquée, elle ne peut l’être que par un médecin. Cette fouille doit être faite individuellement, pas en groupe et pas en présence de la direction de l’école.

La police oblige parfois les élèves à rester dans un local. Ils sont en quelque sorte victimes d’une arrestation puisqu’ils sont privés provisoirement de liberté. Cette pratique en amont n’est pas légale. La police doit se comporter de manière réactive et non préventive : elle doit d’abord être en possession d’indices sérieux d’infraction avant de pouvoir procéder à une arrestation et fouille.

Le 7 juillet 2006, une circulaire du Ministre de l’intérieur renforçant la sécurité locale avec, en particulier, un point de contact pour les écoles avait été publiée.
Elle prévoit notamment que la police locale crée un point de contact permanent pour les écoles de son territoire. Les missions de la police vont ici au-delà de la loi sur la fonction de police, le risque de dérive sécuritaire est grand si on renforce le rôle de la police dans les établissements scolaires dont le rôle, utile, d’intervention d’urgence doit être maintenu.

La circulaire du 16 novembre 2010 de l’Administration générale de l’Enseignement et de la Recherche Scientifique relative aux “Ressources à disposition des établissements scolaires en matière de prévention des assuétudes en milieu scolaire”
Cette circulaire donne aux directions les outils et détaille avec précisions les partenaires de référence qui peuvent mettre en œuvre l’obligation de prévention. Elle ne porte pas uniquement sur les drogues, mais sur tous types d’assuétudes, tels que l’alcool, le tabac, le GSM et des conduites à risques en général. Elle précise  qu’il est “essentiel de poser une limite claire par un rappel au règlement d’ordre intérieur et via des sanctions lorsque cela est nécessaire, ou de renvoyer à la loi de la société et aux sanctions pénales en cas de transgression grave“, il est “tout aussi essentiel d’agir en amont, en mettant en place un programme de prévention adapté au sein de l’école“. L’école doit privilégier une approche préventive qui “doit aller plus loin qu’une information ou une mise en garde contre les effets nocifs de la consommation de substances illicites (et licites), par exemple. La personne au centre de la démarche (et non pas le produit et sa consommation). Ce qui est important, c’est de considérer le jeune dans sa globalité et tenter de comprendre le sens des consommations pour les adolescents, en tenant compte de leurs représentations. Cela permet de mieux appréhender ce que le jeune vit, sa réalité, son bien-être, le plaisir qu’il recherche en consommant, et de favoriser une prise de conscience des influences de son environnement (amis, famille, médias). Ce type de prévention ou d’accompagnement doit pouvoir aider le jeune à se situer par rapport à sa propre consommation et à réfléchir sur la liberté de ses choix“.

En termes de ressources disponibles, les dispositifs qui s’inscrivent dans une optique de prévention non répressive sont :

  • les Centres psycho-médico-social (CPMS) ;
  • les Services de promotion de la santé à l’école (SPSE) ;
  • les Points d’appui aux écoles en matière de prévention des assuétudes (PAA) ;
  • les Services de prévention des assuétudes subventionnés par la FWB ;
  • les autres Services (certains AMO) ;
  • les Centres de documentation.

On le voit, les écoles ont à leur disposition des services et partenaires tant pour une aide individuelle d’élèves qui présenteraient des difficultés que d’un point de vue collectif en vue de mettre sur pied des dispositifs de prévention. Du côté de la gestion, la Circulaire rappelle que le cadre des sanctions disciplinaires est celui du règlement d’ordre intérieur. La collaboration avec les Services de police doit être encadrée mais, dans le cadre d’une transgression de la loi et de sanctions pénales, “le chef d’établissement n’a pas à être amené à sortir de son rôle d’éducateur. Il n’est pas non plus tenu de mettre en cause sa responsabilité en dehors de ses obligations légales“. En autorisant, par exemple, des interventions policières musclées et des fouilles collectives, les directions sortent de leur rôle d’éducateur et mettent en cause leur responsabilité alors qu’il ne s’agit pas d’une obligation légale. Enfin, la Circulaire dénonce expressément la confusion entre prévention et opérations sécuritaires. Elle précise ainsi qu’une clarification des rôles de chacun est indispensable : “L’école éduque et la police sanctionne” et “la prévention est une compétence des Communautés et non pas du fédéral. Le secteur psycho-médico-social est responsable de la prévention de l’abus de drogues » tandis que « les Services de police sont quant à eux responsables de la prévention de la criminalité (éventuellement liée à la drogue) ». La Circulaire attire dès lors l’attention des établissements scolaires “sur la grande prudence à observer quant au recours à des services de police pour des activités de prévention dans l’école. Ce type de programme reflète une confusion des rôles prévention – sécuritaire qui risque de compromettre l’objectif poursuivi“.
Source : Infor Drogues 

La prévention par la crainte est une des stratégies les moins efficaces. L’insécurité, l’angoisse, la stigmatisation peuvent pousser à la consommation. L’évaluation des programmes de prévention montre que les plus efficaces sont ceux qui s’articulent autour d’un travail sur l’estime de soi, qui se centrent sur les personnes et leurs réalités, sur l’éducation par les pairs et sur la promotion de la santé. Il est important de maintenir le dialogue entre les élèves et le corps enseignant. L’objectif est de construire un espace de confiance.

MAJ 2023

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