La loi contre la discrimination entre femmes et hommes ou Loi Genre

19 Fév 2024 | racisme, Racisme et discriminations | 0 commentaires

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Introduction

La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes naît de la volonté du législateur fédéral d’harmoniser la lutte contre les différentes formes de discrimination et surtout mettre sur pied un cadre général dans la lutte pour l’égalité des femmes et des hommes en Belgique. Cette lutte n’était pas globale et se faisait par domaine précis (représentation des femmes en politique, protection des femmes enceintes sur le lieu de travail, etc.). Cette réforme de 2007 a voulu apporter une meilleure lisibilité du système législatif afin de combattre plus efficacement les inégalités entre les femmes et les hommes et le sexisme et inclure les discriminations qui découlent de certains changements sociétaux, comme la transidentité.

Cette loi est également désignée sous les termes « loi genre ». Elle compose, avec la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie et l’autre loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discriminations, l’arsenal juridique, au niveau fédéral, en matière de lutte contre les discriminations en Belgique.

Loi genre et la prise en compte de l’égalité femme-homme en Belgique

La loi genre interdit toute discrimination fondée sur le sexe, la grossesse, la procréation médicalement assistée, l’accouchement, l’allaitement, la maternité, les responsabilités familiales, l’identité de genre, l’expression de genre, les caractéristiques sexuelles et le changement de sexe. Ces éléments constituent ce que la loi qualifie de « critères protégés ». Lorsqu’une situation de discrimination se présente, seule la violation de ces critères peut valoir condamnation et donc être qualifiée de situation ou comportement discriminatoire en vertu de la loi.

Du fait de l’importance de la lutte pour l’égalité des femmes et des hommes au niveau international et national, le législateur fédéral n’est pas le seul habilité à légiférer à ce sujet. Les entités fédérées (les régions et les communautés) peuvent également prendre des décrets ou des ordonnances qui traitent de la problématique du genre dans le respect de leurs pouvoirs respectifs. Voici une liste non-exhaustive des décrets ou ordonnances prises en matière de lutte contre les discriminations :

Champ d’application

Les dispositions de la loi s’appliquent dans le cadre des relations de travail et la fourniture de biens et de services mises à la disposition du public que ce soit dans le secteur public (par exemple, un service communal) ou le secteur privé (par exemple, une assurance). La loi ne s’applique donc pas dans les rapports privés ou intrafamiliaux.

Cette loi comporte un volet civil et un volet pénal [1]. Cela signifie que la loi définit les discriminations et les moyens à mobiliser en cas de traitement défavorable sur base des critères protégés, en ce compris les règles procédurales, d’un côté, et détermine les infractions qui peuvent découler de ces discriminations, de l’autre côté.

La loi détermine cinq formes de discrimination :

La discrimination directe

La loi vise la situation qui se produit lorsque, sur la base de l’un des critères protégés, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre personne ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable.

Par exemple, refuser d’engager une personne parce qu’elle est enceinte.

La discrimination indirecte

La situation qui se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner, par rapport à d’autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l’un des critères protégés.

L’injonction de discriminer

Ce terme vise tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination, sur la base de l’un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.

Le harcèlement

Le harcèlement désigne un comportement indésirable qui est lié à l’un des critères protégés, et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité de la personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Par exemple, une personne, en transition médicale, ne cesse de recevoir de la part de certains collègues des remarques offensantes. 

Le harcèlement sexuel

Il s’agit d’un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Par exemple, un(e) stagiaire reçoit des avances de la part de son/sa maître de stage. Malgré des réponses négatives, le maître de stage continue et n’hésite pas à essayer d’embrasser le/la stagiaire.

Justification d’une discrimination : conditions

La loi reconnait la possibilité d’instaurer une distinction mais cette dernière doit respecter certaines conditions. En effet, une distinction directe fondée sur le sexe doit être justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Cela signifie qu’une distinction fondée sur ce critère protégé doit impérativement résulter de la nature de l’activité ou les conditions de son exercice. Il faut également que cette exigence obéisse à un objectif légitime et qu’elle soit proportionnée par rapport à cet objectif. Cette distinction est autorisée uniquement dans le domaine des relations de travail.

Contrairement à la loi antiracisme et la loi anti-discrimination, les exigences professionnelles essentielles et déterminantes justifiant une distinction sont fixées par l’Arrêté Royal du 8 février 1979 fixant les cas dans lesquels il peut être fait mention du sexe dans les conditions d’accès à un emploi ou à une activité professionnelle. Nous pouvons citer le domaine du mannequinat ou encore celui du cinéma. En dehors des cas énoncés par l’Arrêté Royal, un employeur ne peut se permettre de distinguer.

Dispositions de protection

La loi instaure un système de protection contre les représailles. En effet, il peut arriver que lorsqu’une personne dénonce aux autorités compétentes la discrimination dont elle a fait l’objet ou dont elle a été le témoin, l’auteur de la discrimination décide d’user de son pouvoir pour écarter ou de rendre l’existence difficile à cette personne. La loi prévoit donc une protection pour la (les) victime(s) et le(s) témoin(s) dès qu’une plainte a été introduite par la victime ou le témoin.

Par exemple, un(e) supérieur hiérarchique ne cesse de faire des allusions sexuelles à un de ses employé(e)s. Cette personne demande à ce dernier/cette dernière de mettre un terme à ce climat. Malheureusement rien n’y fait. La personne harcelée décide de porter plainte. Le/la supérieur(e) l’apprend et, depuis, fait en sorte de pousser la victime à la faute. Le/la supérieur(e) finit par le/la licencier.

Afin de ne pas décourager les personnes qui agissent pour remédier à une discrimination, des mesures de protection contre les représailles ont été adoptées et même renforcées. Le principe de la protection interdit à l’auteur présumé de la discrimination, durant 12 mois, d’adopter une mesure préjudiciable à l’encontre de la victime présumé, pour des motifs qui sont liés au dépôt ou au contenu d’un signalement, d’une plainte ou d’une action en justice pour une violation alléguée des législations contre les discriminations. La même protection est accordée à toute personne qui intervient comme témoin ou qui donne des conseils ou apporte aide ou assistance à toute autre personne qui invoque la violation des législations contre les discriminations. Le point de départ de la période de 12 mois est le moment où l’auteur présumé de la discrimination a connaissance ou a pu raisonnablement avoir connaissance du signalement ou de la plainte concernant un acte de discrimination, dirigé contre lui. Après ces douze mois, la personne qui agit pour remédier à une discrimination est toujours protégée contre l’adoption des représailles, mais il lui revient de prouver qu’un acte préjudiciable pris à son encontre après 12 mois est une mesure de représailles liée à une dénonciation d’un cas de discrimination. 

Remèdes civils en cas de discrimination

S’il est établi qu’une mesure préjudiciable a été adoptée, la victime peut demander des dommages et intérêts à l’auteur de la mesure discriminatoire.

La victime peut aussi demander sa réintégration dans son emploi pour pouvoir exercer sa fonction sous les mêmes conditions que précédemment.

Elle peut également introduire une action en cessation. Comme son nom l’indique, cette action a pour objectif d’interpeller l’auteur de la discrimination et exiger de sa part qu’il fasse cesser la discrimination. La victime peut prétendre à une indemnité forfaitaire et le juge peut ordonner l’affichage de la décision de cessation dans les lieux où la discrimination a eu lieu ou des locaux qui appartiennent à l’auteur ou encore la diffusion du jugement dans la presse. La victime ou les personnes habilitées par la loi pour représenter la victime en justice peuvent introduire cette action en cessation (par exemple l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes ou, dans certaines conditions, votre syndicat).

Charge de la preuve

Dans le cadre d’une procédure civile, la charge de la preuve en matière de discrimination est renversée. Il revient à l’auteur présumé de la discrimination de démontrer qu’il n’y a pas eu de discrimination de sa part. Toutefois, la victime n’est pas exempte d’apporter la démonstration du comportement discriminatoire. En effet, elle doit apporter des preuves de discrimination pour étayer ses dires : des écrits, des témoignages, des précédents signalements pour discrimination à l’égard de l’auteur, etc. D’ailleurs, c’est parce que la personne victime apporte des éléments concrets qui permettent de supposer une discrimination que l’auteur présumé doit prouver qu’il ne s’est pas rendu fautif d’un acte discriminatoire.

Dispositions pénales

Comme expliqué plus haut, la loi genre comporte également un volet pénal. Cette partie fixe les différentes infractions qui découlent de certains comportements jugés inacceptables par le législateur.

Les décrets et les ordonnances relatives à la question de l’égalité des femmes et des hommes prévoient également des dispositions pénales.

Parmi les infractions que nous pouvons retrouver dans la loi genre, nous pouvons, par exemple, citer les suivantes :

  • L’incitation à la haine, la discrimination, la violence ou la ségrégation d’une personne, un groupe, une communauté ou leurs membres, qui se fonde sur un des critères protégés ;
  • Le fait de ne pas se conformer au jugement de la demande de cessation.

Organisme compétent pour introduire une action

C’est l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes qui est compétent pour surveiller l’application de cette loi. Si vous avez-vous l’impression d’être victime de discrimination de genre, n’hésitez pas à prendre contact avec l’Institut. Il peut vous aider à préparer votre dossier : porter plainte, prendre part à une médiation ou agir en justice.

Renforcement de la loi genre

Une évolution de la loi est envisagée au niveau fédéral. En effet, l’avant-projet de loi de la secrétaire d’État à l’égalité des genres, l’égalité des chances et la Diversité, Sarah Schiltz, a été approuvé par le Conseil des ministres en décembre 2022. Cet avant-projet [2] de loi vise à renforcer les lois en matière de discriminations et de racisme. Concernant la loi genre, nous pouvons énoncer les modifications suivantes :

  1. La modernisation des critères de discrimination : le terme changement de sexe est désormais remplacé celui de transition médicale ou sociale. Le critère dorénavant protégé est donc celui de la transition médicale ou sociale. Ce changement de terminologie souhaite protéger les personnes transgenres à n’importe quelle étape de leur transition et non uniquement au moment où la transition médicale est effectuée ;
  2. L’introduction des nouvelles formes de discrimination : les discriminations multiples, la discrimination par association et la discrimination fondée sur un critère supposé ;
  3. Le renforcement des sanctions civiles : l’obligation pour le juge d’accorder des dommages et intérêts lorsque la victime le réclame et que l’existence de la discrimination a été établie, l’augmentation des montants des dommages et intérêts et instauration d’une indexation de ceux-ci ;
  4. La réforme du Code pénal avec la prise en compte systématique du motif discriminatoire.

[1] Le droit civil encadre les rapports entre les individus et règle les conflits qui naissent entre les particuliers. Ce droit comprend plusieurs branches telles que le droit de la famille, le droit économique, le droit des biens, des successions ou encore le droit des obligations.

Le droit pénal est le droit de la répression. En effet, ce droit rappelle à celui qui y contrevient que la loi a identifié des comportements qu’elle juge inacceptable dans la société. Ce droit a donc pour objectif de faire respecter l’ordre public et, de ce fait, protéger la société dans son ensemble.

En d’autres termes, en matière civile, le juge arbitre un litige qui oppose des personnes privées alors qu’en matière pénale, l’État, partie au procès, est présent pour défendre des valeurs et des comportements jugés essentiels par la loi au bon fonctionnement de la société.

[2] https://sarahschlitz.be/la-lutte-contre-les-discriminations-se-renforce-avec-lamelioration-des-3-lois-concernees/ ; un avant-projet de loi est un texte soumis par un membre du gouvernement fédéral à l’approbation du Conseil des ministres. Si le Conseil approuve ce texte, il le dépose à la Chambre des représentants en vue de l’éventuelle adoption d’une loi.

Voir aussi :

MAJ 2024

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