Définitions et discriminations

26 Fév 2024 | racisme, Racisme et discriminations | 2 commentaires

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L’arsenal juridique en matière anti-discrimination en Belgique se compose principalement de trois lois fédérales :

Ces trois lois fixent plusieurs critères, dits critères protégés, et énoncent le principe suivant : toute discrimination fondée sur un critère protégé est interdite et punissable.

Gardez à l’esprit que ces lois sont complétées par les décrets et ordonnances adoptés par les communautés et les régions en matière de discrimination.

Passons en revue certaines discriminations visées par ces lois et, surtout, définissons-les afin d’avoir une meilleure compréhension des différentes notions employées.

Discrimination

La discrimination désigne le traitement injuste ou inégal d’une personne ou groupe de personnes sur base de caractéristiques personnelles.  Toute forme de discrimination sur base d’un critère protégé est condamnée par la loi. Le législateur ne prend en compte, pour l’heure, que certaines formes de discrimination :

La discrimination directe :

Situation qui se produit lorsque sur la base de l’un des critères protégés, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre personne ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable [1] ;

La discrimination indirecte :

Situation qui se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner, par rapport à d’autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes concernées par un critère protégé déterminé [2] ;

L’injonction de discriminer :

Tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination, sur la base d’un critère protégé, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres [3] ;

Le harcèlement :

Comportement indésirable qui est lié à un critère protégé, et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité de la personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant [4] ;

Le harcèlement sexuel :

Comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Cette forme de discrimination figure uniquement dans la loi genre [5].

Il est à noter qu’une différence de traitement entre deux personnes est autorisé pour autant que cette distinction se fonde sur une justification objective et raisonnable, c’est-à-dire qu’elle poursuit un but légitime ou il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé [6]. D’ailleurs chacune de ces lois permet l’instauration une distinction directe ou indirecte pour autant que certaines conditions soient remplies.

Avec l’apparition d’internet et des réseaux sociaux, un nouveau type d’harcèlement s’est développé : le cyberharcèlement.  Celui-ci vise tout acte utilisant différentes formes de communication électronique (réseaux sociaux, mail, sms, chat, sites) pour menacer, insulter de manière intentionnelle et répétitive une victime. Il est accompli par un individu ou un groupe d’individus envers une personne ou un groupe de personnes. Le harcèlement est une infraction en vertu du Code pénal. La peine peut être alourdie si le juge retient des circonstances aggravantes. Si une discrimination fondée sur un critère protégé participe au cyberharcèlement alors le juge peut retenir les circonstances aggravantes.

Mesures d’action positive

Le législateur belge emploie le terme d’ « action positive » plutôt que celui de « discrimination positive ». Les mesures d’actions positives désignent, par exemple, des mesures spécifiques prises par un employeur à l’égard d’un groupe de personnes défavorisées sur base d’un critère protégé sur le marché de l’emploi en vue d’inverser la tendance et de garantir une égalité de traitement dans la pratique. En d’autres termes, c’est un mécanisme qui permet à un employeur de déroger à l’interdiction de discriminer sur base d’un critère protégé.

Par exemple, un employeur souhaite mener une campagne de recrutement pour groupes-cibles. Il décide de mettre un quota d’embauches pour les personnes porteuses d’un handicap. A la fin de la procédure de recrutement, il y aura au moins le nombre souhaité de personnes ayant un handicap qui seront embauchées.

Parce qu’il s’agit d’une exception aux lois en matière de lutte contre les discriminations, certaines conditions doivent donc être remplies. Tout d’abord, les mesures d’actions positives doivent être contenues dans un plan. Celui-ci est établi soit par une convention collective de travail soit par un acte d’adhésion. Ces mesures doivent respecter les exigences suivantes :

– il doit exister une inégalité manifeste ;
– la disparition de cette inégalité doit être désignée comme un objectif à promouvoir ;
– la mesure d’action positive doit être de nature temporaire, étant de nature à disparaître dès que l’objectif visé est atteint ;
– la mesure d’action positive ne doit pas restreindre inutilement les droits d’autrui. Elle doit donc être proportionnée à l’objectif.

Ensuite, ce plan doit être soumis au Ministre de l’Emploi pour approbation. Celui-ci s’attèle à vérifier le respect des conditions requises et si l’action positive porte bel et bien sur un des critères protégés.

Enfin, ce n’est qu’à l’obtention de l’approbation que la mesure pourra être mise en œuvre par l’employeur.

Racisme

Le racisme est une idéologie fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les différents groupes ethniques, les prétendues races. Les actes racistes englobent donc toutes attitudes et hostilités qui découlent de cette idéologie, à l’encontre d’un individu ou d’un groupe d’individus.

La notion de race n’existe pas. Elle a été construite pour justifier la domination et la violence par un peuple sur un autre (l’esclavage, la colonisation, la ségrégation, l’apartheid, la Shoah, etc.). La communauté scientifique a conclu à l’inexistence de plusieurs races humaines et rejette dorénavant à l’unanimité tout argument biologique qui souhaite légitimer la notion de race.

Malgré cela, le terme race continue d’être utilisé. D’ailleurs la loi y a recours, elle parle de « prétendue race ». Son emploi reste pertinent car cette construction sociale (la race) continue d’impacter socialement, économiquement et culturellement les personnes dites racisées. Elle permet de comprendre les rapports qui structurent les différentes sociétés. C’est donc un rappel de ce passé qui n’est pas encore exorcisé.

La suppression ou le fait de le rendre tabou ne permet pas de faire disparaitre le racisme et ses conséquences.

Le racisme est sanctionné par la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie, dite loi antiracisme.

Racisme systémique

Le caractère systémique du racisme renvoie à la prise de conscience que le racisme est également un système, à savoir un ensemble de pratiques organisées dans un but. Pour discerner les différentes manifestations du racisme dans nos sociétés, il ne faut pas uniquement se référer aux rapports entre les individus. En d’autres termes, le racisme doit également s’analyser à un niveau macro pour comprendre pourquoi à ce jour certains groupes de populations sont toujours traités d’une certaine manière.

Le racisme perdure dans nos sociétés parce que l’histoire de nos sociétés et de ses institutions y sont imprégnées. Cette histoire du racisme a laissé des traces qui ne peuvent pas s’effacer aussi facilement. Comme le nazisme n’est pas mort avec Hitler, certaines idées, théories développées pour justifier le racisme sont encore bien vivantes malgré le changement d’époque. Le système, comme les êtres humains, ne se transforme pas aussi rapidement que nous pouvons l’espérer.

Le racisme prend différentes formes, voici quelques exemples :

L’antisémitisme

Vise deux critères protégés : l’origine ethnique et la conviction religieuse. Il se définit comme une hostilité systématique envers les juifs, les personnes perçues comme telles ou la religion juive [7]. Selon la jurisprudence belge, la négation ou l’approbation, entre autres, de la Shoah peuvent être qualifiées d’antisémitisme [8].

L’islamophobie

L’islamophobie renvoie également à la violation de deux critères protégés : l’origine ethnique et la conviction religieuse. L’islamophobie peut être donc définie comme la haine, le mépris ou l’hostilité à l’égard des personnes d’origine arabe, maghrébine, turque ou perçues comme telles ou des personnes musulmanes ou considérées comme telles.

La négrophobie

La négrophobie est la haine, le mépris ou l’hostilité à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Xénophobie

La xénophobie désigne l’hostilité systématique manifestée à l’égard des étrangers (les migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés) ou des personnes perçues comme telles [9].

Les termes racisme et xénophobie sont apparus au même moment. Toutefois, ils désignent des réalités différentes. En effet, la xénophobie désigne la haine, le mépris ou l’hostilité à l’égard d’une personne étrangère ou considérée comme telle ; alors que le racisme vise plutôt les origines d’une personne et suppose un classement des personnes en fonction de leur prétendue race [10].

Sexisme

Le sexisme désigne tout geste ou comportement qui a manifestement pour objet d’exprimer un mépris à l’égard d’une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou de la considérer, pour la même raison, comme inférieure ou comme réduite essentiellement à sa dimension sexuelle et qui entraîne une atteinte grave à sa dignité.

Le sexisme part des différences qui existent entre les femmes et les hommes et les essentialisent, c’est-à-dire que les femmes et les hommes sont réduits à certaines dimensions de leur sexe. Ces différences sont associées à des rôles spécifiques et à des positions dans la société. Il en découle un ensemble de préjugés, de croyances et de stéréotypes visant les femmes et les hommes.

Toute discrimination fondée sur l’appartenance sexuelle est sanctionnée par la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, dite loi genre. Cette loi a été renforcée par la loi du 22 mai 2014 qui institue le sexisme comme infraction.

Homophobie

L’homophobie désigne toutes les manifestions de mépris, de rejet voire de haine à l’encontre de personnes homosexuelles ou perçues comme telles. Bien que l’homophobie, la lesbophobie et la biphobie relèvent du même mécanisme, leurs manifestations peuvent être différentes.

L’orientation sexuelle constitue un critère protégé par la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, dite loi anti-discrimination.

Aménagement raisonnable

Cette notion est liée à la discrimination à l’égard des personnes ayant un handicap. Elle est reprise dans la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, dite loi anti-discrimination.

La législation sur la discrimination basée sur le handicap en Belgique est avant tout le fruit d’un travail au niveau international, plus précisément des Nations Unies. La convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif a été adopté le 12 décembre 2006 et est entrée en vigueur le 1er août 2009 en Belgique. Cette convention définit les personnes ayant un handicap comme « des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres [11] ». Cette définition large permet ainsi de viser toutes les formes d’handicaps et donc toutes les personnes porteuses d’un handicap sans distinction. Par cette Convention, il est rappelé aux États, signataires et l’ayant intégré dans leur arsenal juridique, que toute personne, en ce compris les personnes ayant un handicap, a des droits et qu’elle doit pouvoir les exercer. Toutefois, l’exercice de leurs droits peut s’avérer impossible pour les personnes ayant un handicap. C’est pourquoi  ces personnes ont droit à des aménagements raisonnables pour rendre l’exercice de leur droit effectif.

Il faut entendre par aménagements raisonnables toutes les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue, apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes ayant un handicap la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales [12].

Il y a donc une discrimination fondée sur le handicap en cas de distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable [13].

[1] Article 4, 7° loi anti-discrimination ; article 4, 7° loi antiracisme ; article 4, 6° loi genre

[2] Article 4, 9° loi anti-discrimination ; article 4, 9° loi antiracisme ; article 4, 8° loi genre

[3] Article 4, 13° loi anti-discrimination, article 4, 12° loi antiracisme ; article 4,12° loi genre

[4] Article 4, 10° loi anti-discrimination, article 4, 10° loi antiracisme ; article 4, 9° loi genre

[5] Article 4,10° loi anti-discrimination

[6] Ziller, J., (2020), Les principes d’égalité et de non-discrimination – une perspective en droit comparé, p.26

[7]  https://www.cncd.be/IMG/pdf/2020-12-lexique-termes-decoloniaux.pdf, p. 19

[8] https://www.unia.be/fr/criteres-de-discrimination/racisme/comprendre-le-racisme

[9] https://www.cncd.be/IMG/pdf/2020-12-lexique-termes-decoloniaux.pdf, p. 18 ; https://www.unia.be/fr/criteres-de-discrimination/racisme/comprendre-le-racisme

[10] https://www.cncd.be/IMG/pdf/2020-12-lexique-termes-decoloniaux.pdf, p. 18

[11] Article 1er Convention

[12] Article 2 Convention

[13] Article 2 Convention

Voir aussi :

MAJ 2024

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Lune 10
3 années il y a

Je vis en France depuis 18 ans.jy travaille depuis 16 ans. J’ai chaque année des difficultés a renouveler mon titre de séjour.ou tt simplement j’en ai pas pendant plusieurs années. En couple depuis fev 2014 conjoint français.
Je suis Aujourd’hui et pendant plusieurs années a cause de la préfecture dans des situations qui me désavantage particulièrement. La préfecture ne rempli pas ses obligations et j’en paie les pots cassés.je pense être victime de discrimination indirecte car rien explique un tel traitement.la situation covid ‘ a rien arranger je me retrouve avec un compte bancaire fermé sans qu on ne puisse m expliquer les raisons et ce n’est pas fautes d avoir fait suivre des recommandés et autres du fait bien que tt soit soldé.

Infor Jeunes
Répondre à  Lune 10
2 années il y a

Bonjour Lune 10,

Infor Jeunes Schaerbeek est un centre d’information jeunesse belge, nous vous conseillons de vous adresser à des associations et organismes du territoire français.
Nous vous invitons à prendre contact avec cette association par exemple :
https://www.lacimade.org/etre-aide-par-la-cimade/
En cas de discrimination, vous pouvez contacter ces services :
https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/institution/competences/lutte-contre-discriminations
Le CIDJ, un centre d’information jeunesse français pourra mieux vous renseigner : https://www.cidj.com/

Bien à vous.

Infor Jeunes asbl
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