La loi contre le racisme et la xénophobie ou Loi antiracisme

7 Avr 2025 | racisme, Racisme et discriminations | 0 commentaires

Introduction

La loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie est la première loi belge ayant eu pour objectif de s’attaquer à la question du racisme en Belgique. Elle est souvent désignée sous les termes « loi antiracisme » ou encore « loi Moureaux » du nom du socialiste Philippe Moureaux qui l’a proposée. Cette loi vise à combattre les discriminations, les discours de haine à caractère raciste ainsi que les infractions qui peuvent en découler.

Cette loi et les deux lois du 10 mai 2007 : celle tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes ainsi que celle tendant à lutter contre certaines formes de discrimination constituent l’arsenal juridique, au niveau fédéral, en matière de lutte contre les discriminations en Belgique.

Loi antiracisme et prise en compte de la question du racisme en Belgique

La loi antiracisme interdit toute discrimination fondée sur la nationalité, une prétendue race, la couleur de la peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. Ces éléments constituent ce que la loi qualifie de « critères protégés »

Ainsi, une situation de discrimination ne peut être sanctionnée sur la base de cette loi que si le comportement problématique repose sur l’un de ses critères, et c’est uniquement dans ce cadre qu’il peut être légalement qualifié de raciste ou discriminant.

Du fait de l’importance de la lutte contre le racisme au niveau international et national, le législateur fédéral n’est pas le seul habilité à légiférer à ce sujet. Les entités fédérées (les régions et les communautés) peuvent également prendre des décrets ou des ordonnances sur la question du racisme dans le respect de leurs pouvoirs respectifs. Par exemple, les communautés, compétentes en matière d’enseignement, peuvent prendre des mesures sur la question du racisme au sein des écoles. Voici une liste non-exhaustive des décrets ou ordonnances prises en matière de lutte contre le racisme :

Il faut noter que ni la loi, ni les décrets et ni les ordonnances donnent une définition des critères protégés. Cela a pour conséquence que même si ces différents instruments énoncent les mêmes critères protégés, la définition de l’un ne vaut pas nécessairement pour l’autre.

Que dit cette loi ?

Tout d’abord, à quels types de situations s’applique la loi ? Les dispositions de la loi s’appliquent dans le cadre des relations de travail et la fourniture de biens et de services mises à la disposition du public que ce soit dans le secteur public (par exemple, un service communal) ou le secteur privé (par exemple, une assurance). La loi ne s’applique donc pas dans les rapports privés ou intrafamiliaux.

Et que prévoit-elle ? Cette loi comporte un volet civil et un volet pénal [1]. Cela signifie que la loi définit les discriminations et les moyens à mobiliser en cas de traitement défavorable sur base des critères protégés, en ce compris les règles procédurales, d’un côté, et détermine les infractions qui peuvent découler de ces discriminations, de l’autre côté.

Concrètement, la victime de discrimination peut  :

  • Introduire une action en cessation. Comme son nom l’indique, cette action a pour objectif d’interpeller l’auteur de la discrimination et exiger de sa part qu’il fasse cesser la discrimination. En plus de la victime, d’autres personnes habilités par la loi, telles que UNIA peuvent également demander à faire cesser la discrimination.
  • Demander une indemnité (forfaitaire)
  • Dans certains cas, il est aussi possible de poursuivre pénalement les auteurs de discriminations (voir ce-dessus).
    Le juge peut également ordonner d’afficher sa décision de cessation dans les lieux où la discrimination a eu lieu ou dans les locaux qui appartiennent à l’auteur. Il peut également ordonner la diffusion de son jugement dans la presse.

Mais alors qu’est-ce qui est susceptible d’être puni . Quand peut-on parler de discrimination ? La loi reconnait, interdit et punit quatre formes de discrimination :

La discrimination directe

La loi vise la situation qui se produit lorsque, sur la base de l’un des critères protégés, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre personne ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sans que cela ne soit justifié.

Par exemple, refuser à une personne d’accéder à une boîte de nuit en raison de sa couleur de peau.

La discrimination indirecte

La situation qui se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner, par rapport à d’autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l’un des critères protégés.

Par exemple, une personne malvoyante qui se voit refuser l’accès à un restaurant car ils n’acceptent pas les chiens.

L’injonction de discriminer

Ce terme vise tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination, sur la base de l’un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.

Par exemple, une personne souhaitant mettre à la location son appartement demande explicitement à l’agence immobilière de lui proposer exclusivement des candidats d’origine Belge.

Le harcèlement

Le harcèlement désigne un comportement indésirable qui est lié à l’un des critères protégés, et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité de la personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Par exemple, un de vos collègues au travail ne cesse de faire des remarques offensantes et dégradantes sur les personnes d’une certaine origine.

Quand est-ce qu’une discrimination est-elle justifiée ?

La loi reconnait la possibilité d’instaurer une distinction mais celle-ci doit respecter certaines conditions. En effet, dans un cas d’une distinction directe fondée sur une prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, elle doit être justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante. Cela signifie qu’une distinction fondée sur un des critères protégés (cités ci-dessus) doit impérativement résulter de la nature de l’activité ou les conditions de son exercice. Il faut également que cette distinction obéisse à un objectif légitime et qu’elle soit proportionnée par rapport à cet objectif. Cette distinction est autorisée uniquement dans le domaine des relations de travail.

Dans le cadre d’une distinction indirecte, la disposition, le critère ou la pratique apparemment neutre qui est au fondement de cette distinction sera justifié pour autant qu’il poursuive un objectif légitime et que les moyens utilisés soient proportionnés et nécessaires. En d’autres termes, il faut que cette distinction indirecte soit le seul moyen pour atteindre l’objectif de la loi.

La pertinence de cette justification est analysée au cas par cas par le juge.

Par exemple : un employeur choisir un candidat bilingue plutôt qu’un candidat qui parle uniquement néerlandais. C’est justifié car la fonction touche un public francophone et néerlandophone. Il y a ici un objectif légitime.

Dispositions de protection

La loi instaure un système de protection contre les représailles. En effet, il peut arriver que lorsqu’une personne dénonce aux autorités compétentes la discrimination dont elle a fait l’objet ou dont elle a été le témoin, l’auteur de la discrimination décide d’user de son pouvoir pour écarter ou rendre l’existence difficile à cette personne. La loi prévoit donc une protection pour la (les) victime(s) et le(s) témoin(s) dès qu’une plainte a été introduite par la victime ou le témoin.

Par exemple, votre employeur a tenu des propos racistes à plusieurs reprises et se permet de vous traiter défavorablement du fait de votre origine et s’en cache peu. Vous décidez de dénoncer son comportement et vous portez plainte. Ce dernier l’apprend et décide, à son tour, de vous licencier. Sachez que votre employeur peut se voir condamner à vous verser six mois de salaire si le lien entre la connaissance de la plainte et le licenciement est retenu par le juge.

Charge de la preuve

Dans le cadre d’une procédure civile, la charge de la preuve en matière de discrimination est renversée. Il revient à l’auteur présumé de la discrimination de démontrer qu’il n’y a pas eu de discrimination de sa part. Toutefois, la victime n’est pas exempte d’apporter la démonstration du comportement raciste. En effet, elle doit apporter des preuves de discrimination pour étayer ses dires : des écrits, des témoignages, des précédents signalements pour discrimination à l’égard de l’auteur, etc. D’ailleurs, c’est parce que la personne victime apporte des éléments concrets qui permettent de supputer une discrimination raciste que l’auteur présumé doit prouver qu’il ne s’est pas rendu fautif d’un acte raciste.

Dispositions pénales

Comme dit plus haut, la loi antiracisme comporte également un volet pénal. Cette partie fixe les différentes infractions qui découlent de certains comportements jugés inacceptables par le législateur.

Il faut noter que les décrets et les ordonnances relatifs à la question du racisme prévoient également des dispositions pénales.

Parmi les infractions que nous pouvons retrouver dans la loi antiracisme, nous pouvons, par exemple, citer les suivantes :

  • L’incitation à la haine, la discrimination, la violence ou la ségrégation d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de leurs membres;
  • La diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale ;
  • Le fait de faire partie d’un groupement ou d’une association qui, de manière manifeste et répétée, prône la discrimination ou la ségrégation fondée sur l’un des critères protégés ;
  • Le fait de nier, minimiser grossièrement, chercher à justifier ou approuver des faits correspondant à un crime de génocide, à un crime contre l’humanité ou à un crime de guerre
  • Le fait de ne pas se conformer au jugement de la demande de cessation.

Organismes compétents pour introduire une action en justice

Si vous êtes victimes de racisme, vous pouvez signaler la discrimination dont vous faites l’objet auprès d’un organisme habilité par loi, tel qu’UNIA, votre syndicat ou tout autre organisme qui réunit certaines conditions. Selon ses compétences, cette structure vous aidera à préparer votre dossier : porter plainte, prendre part à une médiation ou agir en justice.

Renforcement de la loi antiracisme

En 2023, la loi antiracisme a été renforcée par :

  • L’introduction des nouvelles formes de discrimination : les discriminations multiples, la discrimination par association et la discrimination fondée sur un critère supposé ;
  • Le renforcement des sanctions civiles : l’obligation pour le juge d’accorder des dommages et intérêts lorsque la victime le réclame et que l’existence de la discrimination a été établie, l’augmentation des montants des dommages et intérêts et l’instauration d’une indexation de ceux-ci ;
  • La réforme du Code pénal avec la prise en compte systématique du motif discriminatoire.

[1] Le droit civil encadre les rapports entre les individus et règle les conflits qui naissent entre les particuliers. Ce droit comprend plusieurs branches telles que le droit de la famille, le droit économique, le droit des biens, des successions ou encore le droit des obligations.

Le droit pénal est le droit de la répression. En effet, ce droit rappelle à celui qui y contrevient que la loi a identifié des comportements qu’elle juge inacceptables dans la société. Ce droit a donc pour objectif de faire respecter l’ordre public et, de ce fait, protéger la société dans son ensemble.

En d’autres termes, en matière civile, le juge arbitre un litige qui oppose des personnes privées alors qu’en matière pénale, l’Etat, partie au procès, est présent pour défendre des valeurs et des comportements jugés essentiels par la loi au bon fonctionnement de la société.

Voir aussi :

MAJ 2025

S’abonner
Notification pour

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires